Gunns Plains bis
Album photo"Hé les gars, il va faire beau pour quelques jours. C'est l'occasion de prendre congé!" s'exclame Penny. Les arbres bourgeonnent, les nuages se font rares, le soleil rayonne, il fait doux, le printemps est très clairement en route en Tasmanie. On prend la perche que Penny nous tend mais, avec de telles considérations, on risque de ne plus jamais travailler... Chouchouté presque à excès, pas sûr qu'on parte de si tôt...
On épingle notre destination sur la carte : le nord ouest de la Tasmanie, parfait pour fêter le cap des 60 ans de l'équipe. La région regorge de vestiges aborigènes : grottes, restes de festin de coquillages (2000 générations dégustant des crustacés, ça fait un conséquent monticule de coquilles) et même de délicates gravures sur pierre. Ils avaient bien choisi leur coin : il paraît que, à l'heure actuelle, c'est encore ici qu'on respire l'air le plus pur du monde (elixir de jeunesse éternelle assuré).
On quitte la côte pour s'enfoncer dans la forêt tempérée humide. La route est controversée. Pour la petite histoire, notre voisin, Helmut, sculpteur, s'était fait arrêté par la police lors d'une manifestation pour empêcher la construction de la route (et donc l'accès à la forêt par les exploitants forestiers) il y a une trentaine d'années. C'est d'ailleurs en Tasmanie que le premier parti écologiste au monde est né pour lutter contre l'exploitation forestière à outrance.
On est prêt pour partir bosser: le buggy, est garé devant l'atelier, le câble électrique, le tuyau d'irrigation et les outils sont dans le bac arrière. Il ne reste plus qu'à résoudre l'épineux problème de banquette. Il n'y a malheureusement pas assez de place pour deux chiens et deux adultes, il va falloir que certains se dévouent à aller dans le bac... Les deux "chauffe-banquette" nous regardent avec intérêt creuser la tranchée, déposer la gaine, reboucher, passer un câble et connecter le tout. La manœuvre a pour but de faire passer le courant sous la barrière et donc éviter un coup de jus quand la porte est ouverte. Bientôt midi, Penny est en congé et nous mijote sa soupe préférée du moment : panais-carrote-pomme (préalablement rôtis au four) avec une franche cuillérée de mascarpone.
On avait déjà hésité à visiter Maria Island il y a quelques mois. Justement, Penny s'y rend avec son frère et nous propose de venir avec elle. On embarque le matériel de camping et c'est parti ! Pas de voiture sur cette île refuge pour la biodiversité, par contre des centaines de wombats (il faut presque faire attention à ne pas trébucher dessus dans le noir) et des diables de Tasmanie (qu'on n'a pas vu mais il est recommandé d'enfermer sa nourriture dans un casier si on ne voulait pas notre tente déchirée par un diable gourmand).
Du soleil est annoncé sur la côte ouest (où il pleut en moyenne trois fois (!!) plus qu'en Belgique), on sort de nos tranchées pour quelques jours. Tullah est la porte d'entrée de l'ouest profond. La ruée minière est aujourd'hui bien estompée, néanmoins des lignes de trams désaffectées à Rosebery et des collines au revêtement lunaire à Queenstown font écho à un passé tumultueux. Grâce à l'abondante pluviométrie, la forêt humide ne tarde pas à enfouir ces cicatrices. On cartographie soigneusement les différentes chutes d'eau pour ne pas en louper une seule (dont la plus haute de l'île, 104m) puis on se concentre sur les points d'intérêts autour de l'indomptable rivière Franklin. À Strahan, on assiste à un émouvant coucher du soleil sur les "tombes" des 300 baleines échouées ici il y a quelques semaines (on espérait également dénicher un diable en quête d'un steak de baleine glané sur la plage, mais rien ...).
Bon c'est pas tout ça, les tranchées ne vont pas se creuser toutes seules. On a bien profité, on peut retourner paisiblement à la ferme. Je connais des poilus qui vont être content de pouvoir à nouveau lécher nos assiettes de soupe (presque) vides.